Et si je détenais mon bien immobilier de placement par le biais d’une société immobilière ?

Grâce à une imposition du bénéfice des sociétés de capitaux devenue plus intéressante depuis quelques années, la détention d’un bien immobilier de placement par une société immobilière peut être, dans certaines situations, fiscalement avantageuse. 

Introduction

Un propriétaire foncier peut détenir son bien en direct, ou indirectement par le biais d’une société, dite alors « société immobilière ». Les impacts fiscaux des deux variantes sont différents :

  • En cas de détention directe, les revenus locatifs sont soumis à l’impôts sur le revenu
  • En cas de détention indirecte via une SI, ils sont soumis à l’impôt sur le bénéfice.

Le taux d’imposition du bénéfice des sociétés ayant diminué ces dernières années notamment dans les cantons de Vaud et de Genève, les propriétaires de biens immobiliers pourraient avoir intérêt à repenser la structure de détention de leur patrimoine immobilier en optant pour un transfert de leurs biens¹ à une société.

Qu’entend-on par “société immobilière” ?

Une « société immobilière » (souvent abrégée «SI ») est une société qui a pour but la détention et la gestion de biens immobiliers. Elle prend généralement la forme d’une société anonyme (SA) ou d’une société à responsabilité limitée (Sàrl).

Sous l’angle fiscal, la SI est imposée comme une société ordinaire, et ses propriétaires comme des actionnaires traditionnels. La seule différence provient du traitement fiscal applicable à la vente d’actions d’une SI :

  • Lorsqu’un contribuable vend les actions d’une SI détenue dans sa fortune privée, le gain en capital est généralement assimilé à un gain immobilier et donc soumis, au niveau cantonal, à l’impôt sur les gains immobiliers. Selon les cantons, des droits de mutation peuvent également s’appliquer.

Transfert d’un bien immobilier à une SI : quels impacts fiscaux ?

Le transfert d’un bien détenu dans la fortune privée d’un contribuable à une SI (généralement sous forme d’une vente), entraîne systématiquement deux impositions :

1. L’impôt spécial sur les gains immobiliers

Cet impôt est prélevé de manière distincte des autres revenus du contribuable sur la différence entre le prix de vente à la SI et la valeur d’acquisition, et ce à un taux dégressif :

  • A Genève, ce taux est compris entre 50% pour une durée de détention de moins de 2 ans et 2% après 25 ans de détention.
  • Dans le canton de Vaud, le taux d’imposition oscille entre 30% pour une durée de possession de un an et 7% dès vingt-quatre ans de détention.

2. Le droit de mutation

Perçu sur la valeur vénale de l’immeuble, son taux approximatif est d’environ 3.5%.

Le transfert d’un immeuble dans une SI engendre ainsi des coûts financiers importants (impôt sur les gains immobiliers et droits de mutation) dont il y a lieu de tenir compte au moment de l’opération.

En revanche, le prix de vente peut être inscrit en dette dans les comptes de la société et peut être remboursé en neutralité fiscale à l’aide des bénéfices réalisés par la société.

Principales différences entre une détention directe et une détention par une société immobilière

1. Remboursement de la dette actionnaire

Une dette actionnaire peut être enregistrée dans les comptes de la société, à hauteur du prix de vente lors de l’acquisition de l’immeuble par la SI. Dans le futur, tous les remboursements effectués se feront en neutralité fiscale, à savoir sans impôt pour l’actionnaire.

2. Distribution de dividendes

Une fois la dette actionnaire remboursée, la remontée des loyers vers l’actionnaire prendra généralement la forme d’une distribution de dividende, laquelle est imposable. Les taux d’imposition maximum des dividendes sont de l’ordre de 31.5% à Genève et de 29.05% dans le canton de Vaud pour autant que l’actionnaire détienne au moins 10% du capital-actions de la société.

Cas pratique : vente d’un immeuble genevois à une société

Afin d’illustrer les avantages fiscaux du transfert d’un immeuble à une SI, nous avons retenu les hypothèses suivantes :

  • Contribuables mariés et imposés au taux minimum
  • Acquisition de l’immeuble en 1990 au prix de CHF 6’000’000
  • Estimation fiscale (genevoise) du bien de CHF 12’345’700 (valeur fiscale 5 ans avant la vente)
  • Estimation fiscale du bien de CHF 8’00’000 (en vigueur depuis plus de 10 ans)
  • Revenus locatifs annuels nets (après charges) de CHF 400’000
  • Vente de l’immeuble à une SI détenue par les contribuables en 2025 au prix de CHF 12’500’000 (valeur vénale)
  • Mise en place d’un crédit-vendeur (dette actionnaire) de CHF 12’400’000

1. Coûts de transfert (en CHF)

Le transfert de l’immeuble à la société engendre les coûts suivants :

Pour Genève :

Le couple peut invoquer l’estimation fiscale 5 ans avant la vente. L’impôt sur les gains immobiliers est ainsi prélevé sur la différence entre la valeur de vente (CHF 12’500’000) et l’estimation fiscale du bien 2020 (CHF 12’345’700) au taux de 2%.

Pour Vaud : 

Le couple peut invoquer l’estimation fiscale du bien, en lieu et place du prix payé, car elle a été notifiée apèrs l’acquisition du bien et est en vigueur depuis moins de dix ans lors de l’aliénation. L’impôt sur les gains immobiliers est ainsi prélevé sur la différence entre la valeur de vente (CHF 12’500’000) et l’estimation fiscale du bien (CHF 8’000’000) au taux de 7%.

2. Charges fiscales liées aux revenus locatifs (en CHF)

Selon nos estimations concernant le canton de Genève, les coûts de transfert de CHF 430’000 (i.e. impôt sur les gains immobiliers et droit de mutation) sont amortis en seulement trois ans grâce à l’économie fiscale annuelle réalisée durant ces années. En effet, sur le long terme, la détention par une SI permet une économie fiscale de plus de CHF 140’000 par année. Finalement, pendant environ trente-quatre ans, le couple pourra recevoir un montant annuel d’environ CHF 360’000 en franchise d’impôt de par le remboursement de son compte courant actionnaire, alors qu’il ne percevrait que CHF 220’000 en cas de détention directe.

S’agissant du cas pratique « vaudois », les coûts de transfert de CHF 762’000 (i.e. impôt sur les gains immobiliers et droit de mutation) sont amortis dans environ 7 ans grâce à l’économie fiscale annuelle réalisée durant ces années. En effet, sur le long terme, la détention par une SI permet une économie fiscale de plus de CHF 117’300 par année. Finalement, pendant environ trente-cinq ans, le couple pourra recevoir un montant annuel d’environ CHF 351’300 en franchise d’impôt de par le remboursement de son compte courant actionnaire, alors qu’il ne percevrait que CHF 234’000 en cas de détention directe.

Conclusion

Bien que la vente d’un bien à une SI engendre des coûts importants et inévitables au moment du transfert, ces derniers peuvent être assez rapidement amortis grâce au gain fiscal engendré par la détention indirecte. Par ailleurs, la détention d’un patrimoine immobilier par le biais d’une SI peut s’avérer avantageuse dans le cadre de successions ou de donations dans la mesure où la transmissibilité d’actions est plus aisée qu’un transfert d’une quote-part d’immeuble.

Pour conclure, nous rappelons qu’il est néanmoins indispensable d’étudier chaque situation et de procéder à des simulations fiscales avant de procéder à une telle opération.

Notes : 

1. Nous parlons ici bien d’immeubles de placement et non du logement familial, qui, à notre sens, n’a aucun intérêt fiscal à être détenu via une société puisque l’actionnaire-locataire doit alors payer un loyer à sa société pour l’occupation du bien.

2. A noter toutefois qu’en cas de vente ultérieure de l’immeuble par la société, les amortissements cumulés seront soumis à l’impôt sur le bénéfice.

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